lundi 23 février 2015

Oxford, ville fantasmée

Chère Laurence,

Samedi dernier, je suis allée me promener dans la ville d'Oxford. Pour moi (comme pour beaucoup, sûrement, vue la quantité de touristes dans les rues), c'est une ville de fantasmes plus qu'une ville réelle. Enfin, c'est même difficilement une ville : c'est surtout la troisième université la plus ancienne d'Europe (après Bologne et la Sorbonne), qui se vante d'avoir eu pour élève 26 premiers ministres britanniques, 50 prix Nobel, et 120 médaillés olympiques. C'est un synonyme d'excellence, mais aussi de richesse et de snobisme. De traditions, amusantes ou rétrogrades. Et puis il y a Harry Potter.
 
"Divinity school", un hall de la Bodleian Library (aka l'infirmerie dans Harry Potter) (par Beth Hoffman).
Comme il m'est difficile de résister à l'attrait du bibliotourisme, je suis bien entendue allée visiter la Bodleian Library. Ils organisent des visites guidées à tours de bras, et je m'attendais à en prendre plein la vue niveau livres anciens et reliures originales. Mais le problème, c'est que les guides sont tout sauf des bibliothécaires. En une heure, on a eu droit à 50 minutes de blabla sur l'histoire de l'université et la construction des bâtiments. Et 10 minutes en présence des collections. Sans de véritable explication sur leur contenu, leur valeur, leur classification. Belles rangées de livres, certes, mais très frustrant de ne pouvoir en apprendre plus, même en cuisinant le guide ("ahah, if I were to tell you that... I would have to kill you!" - la réplique qui tue pour se débarrasser des questions embarrassantes).
En gros, tout ce que j'ai retenu, c'est que la bibliothèque et l'un de ses halls ont servi de set pour filmer les Harry Potter. Apparemment, c'est plus important que les Bibles de Gutemberg. Vas donc savoir.

Grâce à sa carte magique (prouvant qu'elle travaille pour l'université), l'amie qui nous faisait visiter a pu nous montrer l'intérieur de quelques collèges. Bâtiments anciens (plus quelques vestiges d'architecture des années 60, hideuse, ça et là), cours intérieures avec gazon entretenu au millimètre, chapelles absolument partout (apparemment, chaque collège a son chapelain, mais les chapelles servent surtout aux répétitions musicales...), on a même pu faire le tour d'une salle à manger toute en marqueterie, ornée de portraits à l'huile, pour les dîners formels (en toge et tout et tout) qui se tiennent plus ou moins fréquemment en fonction des collèges.
Bref, ça entretient le mythe et ça fait un peu rêver.
 
La table des profs dans la salle à manger de Trinity College (l'un des collèges où, le dîner en toge, c'est tous les soirs) (par Winky).
Je te parle de collèges, peut-être faut-il un peu préciser : ce sont des structures autonomes où les étudiants sont hébergés et étudient, avec chacun leur histoire, leurs alumnis célèbres, leurs traditions. Un peu comme les "maisons" dans Harry Potter.
Mais les enseignements en eux-mêmes se font dans les différentes facultés. Du coup, les étudiants se retrouvent avec deux types de camarades : leurs camarades de classe au sein de leur faculté, et d'autres camarades venant de diverses disciplines au sein du collège. Plutôt sympa.
Il y a une quarantaine de collèges en tout. Certains sont de "première classe", d'autres de "seconde classe", en fonction de leur prestige. Sauf que ce n'est marqué nulle part : il faut le savoir.
Et c'est là que les ennuis commencent. Les critères pour entrer dans les collèges sont ultra-flous. Ce qui peut donner lieu à n'importe quel type de débordement. En gros, ce qu'on m'expliquait, c'est que s'il est dans la tradition de ta famille d'étudier dans tel collège, tu ne devrais pas avoir de problème. Si ce n'est pas le cas... Ça va être plus compliqué.

Parce que c'est là tout le problème d'Oxford. C'est une ville de cliques et de fric. Chacun défend bec et ongles les intérêts de son propre groupe. La mixité sociale est relativement réduite. En fonction des collèges, l'ambiance varie beaucoup, mais partout flotte une étouffante odeur fin de règne.
Bref, mes fantasmes Oxfordiens ont tourné court. Je ne pense pas que je survivrais longtemps dans ce genre d'environnement. Les collections de la Bodleian ont beau être belles... Ça ne fait pas tout.
Et toi, qu'en penses-tu ?

- Aurélie


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